La première couleur fut le noir ≡ Anne-Sophie Servantie

23.05.2025

Traumavertissement : inceste, violences sexistes et sexuelles, troubles du comportement alimentaire.

« J’ai toujours eu en moi cette idée naïve et charmante que les enfants ça se protège. Il m’a fallu des années de décillement pour comprendre que dans ce monde, les enfants ça se consomme¹. »

La première couleur fut le noir est le récit autobiographique d’Anne-Sophie Servantie, qui a survécu à l’inceste au sein d’une famille bourgeoise très catho. Derrière les belles photos de famille, elle raconte les violences verbales, physiques, sexuelles, le rejet de sa mère et le long chemin de la reconstruction pour sortir de l’amnésie traumatique, de la peur et de la honte, décrypter le langage de l’inconscient, comprendre les mécanismes qui ont façonné sa structure mentale et apprivoiser les séquelles intimes et psychologiques.

Mon avis

Il faut dire l’immense courage d’Anne-Sophie Servantie de mettre à nu son histoire et sa famille, sa force et son obstination à vivre et être heureuse qui éclatent au fil du récit. Car après cet océan de noirceur, il y a toutes les couleurs qu’Anne-Sophie utilise pour s’exprimer, et notamment le rouge, la couleur de l’amour : l’amour de l’être aimé, de la peinture, mais aussi des livres, qui ne peut que résonner en moi. Les livres qui sont notre monde intérieur salvateur, notre colonne vertébrale.

Je me suis arrêtée sur chaque planche, ses détails, ses couleurs fondues, j’ai été saisie par cette vague qui emporte tout sur son passage (p. 46-47), ces ténèbres dévorantes (p. 62), ces doigts accusateurs (p. 70). J’ai été tellement saisie que je l’ai lue chapitre après chapitre, jour après jour, pour me laisser le temps d’apprécier et d’assimiler l’intensité du récit.

Un·e Français·e sur dix déclare avoir été victime d’inceste. Tous les milieux sociaux sont concernés. Il n’y a pas de « monstre », il n’y a que des hommes (dans l’écrasante majorité) qui se sentent autorisés par la société à violer et violenter. Nous devons apprendre collectivement à repérer, dénoncer et réparer autant que possible les violences incestueuses.

Une BD magistrale, éditée par les éditions indépendantes Mosquito (de la région de Grenoble), à offrir à un·e proche qui a besoin d’une main tendue ?

Merci à Anne-Sophie Servantie, aux éditions Mosquito et à Babelio pour m’avoir offert cet ouvrage lors de la dernière opération Masse critique 🧡