Il n’y a pas que les rots des vaches qui participent à l’effet de serre, mais aussi tout l’arsenal construit autour pour les sucer jusqu’à la moelle (chair, peau, lait). L’élevage, qui a explosé pour satisfaire la demande mondiale, implique aussi la déforestation pour créer davantage de prairies, notamment en Amazonie où les populations locales sont chassées au nom du sacro-saint capitalisme. Les animaux sont aussi gourmands en eau, en espace et en céréales, ce qui pose problème sur le long terme, d’autant que la demande dans les pays en développement ne fait que balbutier. C’est un problème difficile à trancher parce qu’il implique d’un côté un animal qui a des besoins naturels incompressibles et de l’autre une population qui considère la viande comme un symbole de richesse (comme les Occidentaux avant les Trente Glorieuses).
Depuis une cinquantaine d’année, l’élevage a été concentré et rationalisé pour optimiser le rapport entre le poids pris par les animaux et les coûts associés à leur élevage. « [...] hypersélection des races ; concentration dans des espaces réduits (les poules pondeuses tiennent sur une surface d’une feuille A4 !) ; utilisation de lumière artificielle et d’hormones pour accélérer la croissance des animaux (interdites pour les bovins en France mais utilisées pour d’autres espèces) ; administration massive d’antibiotiques de manière préventive afin de prévenir le développement et la transmission de diverses pathologies (que la concentration des élevages favorise)1. »
Sans oublier les mutilations systématiques pour contrer les comportements pathologiques bien compréhensibles, les coups de pile électrique pour les forcer à se déplacer ou le crochet passé dans l’anus pour les tracter… L’objectif est d’atteindre au plus vite le poids d’abattage pour les garder moins longtemps en batterie, qu’importe si leurs pattes sont frêles et leurs estomacs gonflés de produits chimiques.
Ce sont des choses qu’on ne veut pas voir ni savoir, et pourtant, manger un animal stressé, bourré d’antibiotiques, nourri aux OGM et aux farines animales, a forcément un impact sur la santé de l’être humain… et sur le goût de la viande.
Manger de la viande issue d’élevage intensif, c’est cautionner l’exploitation des animaux au nom de la rentabilité économique. C’est accepter que ce qu’on mange a été un animal qui a vécu quelques mois, voire quelques années, et qui a eu une vie de merde, seulement faite d’angoisses et de souffrances. Quant à manger de la viande issue d’un élevage « biologique », pour les puristes, c’est tout de même un meurtre.
Mais manger de la viande tout court, c’est nier que l’animal est un être sensible, alors qu’il y a des animaux que nous ne mangerions pour rien au monde : votre chat/chien/furet/lapin lové contre vous pendant que vous lisez cette chronique.
« Entre 1950 et 2000, la production mondiale de viande a été multipliée par cinq (pendant cette même période, la population de la planète a doublé)2. »
Malgré les crises alimentaires des vingt dernières années (crise de la vache folle en 1996 et en 2000, poulets belges contenant de la dioxine en 1999, grippe aviaire en 2005 et les bactéries Escherichia coli dans des steaks hachés surgelés en 2012), manger de la viande est devenu normal et nécessaire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Mais la France compte 3 % de végétariens qui ont fait le choix de ne plus en manger du tout (et s’intoxiquent aux légumes issus de champs intensifs). Quant aux véganes, leur démarche est plus complète : ils s’abstiennent complètement de consommer des produits issus de l’exploitation des animaux (cela inclut la viande et les produits laitiers, les vêtements et les chaussures en cuir, et en théorie les bonbons gélatineux, le maquillage, les shampoings, les crèmes hydratantes, le dentifrice…) C’est la démarche la plus totale, la plus engagée, la plus respectable, mais la plus difficile à tenir.
Ce petit livre, publié par les éditions du Muscadier, a le mérite d’aborder les questions qui dérangent : qui y a-t-il dans notre assiette ? est-ce que manger de la viande nuit à la planète ? et surtout, notre propre existence justifie-t-elle de maltraiter et de tuer l’animal ? l’alimentation végétarienne est-elle équilibrée ?
La collection Le choc des idées propose une fois encore un ouvrage clair, abordant les deux points de vue en moins de 100 pages, qui permet de se forger une opinion sur un sujet en particulier. Les deux partis exposent à tour de rôle leurs arguments (parfois retors) et ont un droit de réponse, comme dans un débat télévisé mais sans interruption ni publicité.
Et vous, que préférez-vous ? Une viande moins chère, nocive pour la santé et au goût douteux ? Une viande plus chère respectueuse de l’animal et de l’environnement ? Ou des légumes ?
Faut-il renoncer au nucléaire ?
Agriculture biologique : espoir ou chimère ?
Les réseaux sociaux sont-ils nos amis ?
Collectif Altergouvernement
Cathy Ytak Les Mains dans la terre
Essais
Ophélie Véron Planète végane
Aymeric Caron Antispéciste
Martin Page Les animaux ne sont pas comestibles
Jonathan Safran Foer Faut-il manger les animaux ?
Derrick Jensen Zoos. Le cauchemar de la vie en captivité
Peter Singer La Libération animale
Marc Dufumier 50 idées reçues sur l’agriculture et l’alimentation
Marie-Monique Robin Les Moissons du futur
Peter Singer Théorie du tube de dentifrice
Jeunesse
Ruby Roth Ne nous mangez pas !
Faut-il arrêter de manger de la viande ?
René Laporte, Élodie Vieille Blanchard (AVF), Éric Birlouez
Éditions du Muscadier
Collection Le choc des idées
2014
128 pages
9,90 euros
1. Page 78. -2. Page 15.