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Terreur dans l’Hexagone ≡ Gilles Kepel

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Génèse du djihad français

Gilles Kepel, avec la collaboration d’Antoine Jardin

Gallimard

(décembre) 2015

 

En un mot

Cet ouvrage, écrit après les attentats du 13 novembre 2015 qui ont marqué un tournant dans notre histoire collective et personnelle, est le plus sérieux et le plus précis qu’il m’ait été donné de lire sur la question du jihadisme. Son analyse démographique, politique et culturelle de la France du « soulèvement des banlieues » de 2005 à l’attentat de Charlie Hebdo en 2015 en fait un ouvrage dense, documenté et un peu difficile à appréhender. Il constitue néanmoins une lecture intéressante pour celles et ceux qui souhaitent mieux comprendre, mais on ne saurait se contenter de ce seul point de vue.

« Sa chronologie remonte au mythe fondateur de la "Marche pour l’égalité et contre le racisme", baptisée par la presse "Marche des beurs", de l’automne 1983, première tentative d’autoaffirmation de cette nouvelle composante de la population française. »

S’appuyant sur une analyse sociologique, démographique, politique et culturelle, Gilles Kepel explique le phénomène du jihadisme en territoire français. De la « marche des beurs » de 1983 au « soulèvement des banlieues » de 2005 (avec le gazage d’une mosquée et la mort de Bouna Traoré et de Zyed Benna), il observe finement la manière dont les personnes issues de la culture musulmane s’approprient les actions politiques en France.

Ces actions politiques s’inscrivent dans un contexte politique de plus en plus tendu : au niveau national avec la montée du nationalisme et du confessionnalisme, le déclin du PCF, les propos racistes dont les médias se font l’écho ; et au niveau international avec l’après 11-septembre, la guerre israélo-palestinienne, les révolutions arabes…

Le malaise est croissant dans nos villes et nos quartiers : il témoigne d’un désenchantement politique, social, professionnel, personnel. L’injustice, le chômage, la pauvreté, le racisme, sont quotidiens. Les personnes qui basculent dans le jihadisme sont souvent détruites dès le plus jeune âge par un contexte familial difficile. Lorsque rien n’est tangible, si ce n’est la colère et la rancœur, l’engagement religieux donne la possibilité de régir sa vie avec autorité, de gagner une forme de légitimité, d’honneur.

Après avoir identifié les auteur·e·s des différents attentats qui ont secoué la France jusqu’au 13 novembre 2015, et la manière dont il·elle·s sont devenu·e·s jihadistes, Gilles Kepel analyse les réactions populaires, et notamment les fameux #jesuisCharlie, #jesuisCharlieCoulibaly, et #jesuisCharlesMartel.

« Faute de comprendre que le phénomène n’est pas exclusivement sécuritaire, à n’en traiter que les symptômes, à refuser d’exhumer ses racines sociales, politiques et religieuses et de consacrer les moyens nécessaires à en faire l’étiologie, le gouvernement français se condamne à attendre sa prochaine occurrence. »

Rencontre avec le livre

Malgré son titre racoleur (s’il ne m’avait pas été conseillé, je ne l’aurais pas lu), c’est l’ouvrage le plus sérieux et le plus précis qu’il m’ait été donné de lire sur le sujet. Toutefois, je reste prudente car cet auteur semble avoir trouvé des financements auprès de l’Institut Montaigne, un think tank libéral dont je ne partage pas les idées, c’est pourquoi je souhaite lire d’autres points de vue sur cette question.

Son analyse culturelle, démographique, politique et sociale m’a semblé très fine, et pour cause. Gilles Kepel travaille sur l’islam depuis au moins trente ans. Il a été à la rencontre des personnes dans les quartiers populaires et semble parler lire et comprendre l’arabe puisqu’il s’appuie sur les discours et les textes arabes dans cet ouvrage.

Je reconnais que la lecture de cet ouvrage a été ardue vers la fin. Les phrases sont longues, difficiles à suivre, un peu répétitives, et leur contenu très dense et documenté. Mais je n’ai pas trouvé ailleurs une telle connaissance de la culture arabe et de la cosmographie islamique. Contrairement à Marc Trévidic, il ne fait pas appel à l’émotion : il étudie son sujet de manière rationnelle. Il critique sévèrement les institutions françaises qui ne se sont pas (in)formées sur ces questions, laissant envenimer une situation sociale tendue, et il encourage à donner les moyens à l’instruction publique d’être au plus près des personnes en difficulté.

C’est donc un essai que je recommande, mais il vaut mieux débuter par les ouvrages plus accessibles et sensibles de David Thomson, et poursuivre avec quelques autres livres pour confronter les points de vue.

Lisez aussi

Les Français jihadistes David Thomson

Terroristes Marc Trévidic

Ce que tient ta main droite t'appartient Pascal Manoukian

L'Attentat Yasmina Khadra

 

 

Terreur dans l’Hexagone

Génèse du djihad français

Gilles Kepel, avec la collaboration d’Antoine Jardin

Gallimard

Hors série Connaissance

(décembre) 2015

352 pages

21 euros

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A
On en a si peu parlé, de la Marche des leurs, en effet. Mais finalement, elle n'a pas été vaine.
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