Nos rêves ne tiennent
pas dans les urnes
Éloge de la démocratie participative
Paul Ariès
Max Milo éditions
2013
Professionnalisation et corruption de la politique, allongement de la durée et du nombre de mandats, course à la réélection, partis de gauche désunis, éloignement de l’élu et des électeurs, abstention élevée, droite et « gauche » interchangeables, recul de la syndicalisation, monde associatif en berne… La démocratie représentative, bourgeoise, sclérosée et illusoire, rend le peuple invisible et inaudible. Les élus, parfois désignés par moins de 20 % des citoyens, sur-représentent les classes supérieures de la société, excluant les voix populaires.
Où est la légitimité démocratique ?
Non, la politique ne consiste pas à glisser un bulletin une fois tous les cinq ans. La politique nous appartient, elle n’est pas réservée aux experts. Paul Ariès défend la démocratie participative, celle qui reconnaît l’égalité de n’importe qui avec n’importe qui, et qui fait de nos différences une source de débats et de consensus. Sans vouloir supprimer la démocratie représentative, la démocratie participative replace la politique à l’échelle locale, et recrée le dialogue entre les élus et les citoyens et entre les citoyens eux-mêmes.
À l’échelle de la ville, ce sont nous, les habitants, les experts de la ville ; nous, les usagers, avons la compétence de savoir ce qui est bon pour la collectivité. À travers les comités de citoyens, de quartier, des jeunes, des aînés, des associations… ; avec l’instauration de visites de quartier, de permanences au pied des immeubles, de bulletins locaux, des habitants-relais, du tirage au sort des représentants, des sondages délibératifs, prenons la parole et faisons des villes des lieux qui nous ressemblent, qui sont à l’image de nos valeurs. Parce que toi, moi, nous, les gens ordinaires, sommes capables de soulever des débats, de proposer des idées pour améliorer une situation inégalitaire.
La démocratie participative, ce n’est ni plus ni moins que construire une intelligence collective, et faire des « préoccupations individuelles le moteur de l’action collective3 ». C’est aussi à chacun d’entre nous de faire que le quotidien nous ressemble, en encourageant le dialogue et la solidarité, en luttant contre le mauvais individualisme et la dépolitisation des plus exclus.
Quel perfide mythe du grand soir révolutionnaire ! Le meilleur moyen pour que chacun attende en vain la vague de choc propulsée par son voisin. La révolution ne réside pas dans le grand soir, elle réside dans la multitude de « pas de côté existentiels4 » que chacun d’entre nous faisons pour améliorer le quotidien. Partageons et diffusons nos idées, nos consciences ; la révolution est en chacun de nous, dans ce que nous choisissons de faire ou pas.
Approprions-nous l’espace public. Nous avons beaucoup de pouvoir, contrairement à ce qu’on pourrait croire, car, en tant que consommateurs, nous sommes au centre de toutes les attentions : chaque seconde, notre attention est captée, cajolée, violée, en vue de sortir la carte bleue, même si nous avons le pouvoir de ne pas céder.
Mais en tant que citoyen, notre seul rôle se résumerait à déposer un bulletin dans les urnes tous les cinq ans. Quelle vision avons-nous du « peuple » ? Celle qu’on veut bien nous faire croire : un peuple manipulé, désintéressé de la politique, victime consentante de la domination. Ne réduisons jamais les dominés à ce que les dominants voudraient qu’ils soient. Car l’abstention ne résulte pas que du désintérêt, c’est aussi une façon de dire qu’on ne veut pas de cette politique. Les citoyens, premiers habitants et experts de la ville, sont capables de débattre ensemble des affaires communes.
Avec cet ouvrage, Paul Ariès assume son engagement, dans une langue presque orale, quitte à mêler d’autres considérations autour de la démocratie participative, et à en oublier quelques autres essentielles. C’est bien un éloge, et non pas une étude fondée sur les différentes initiatives mises en place à Grigny, Aulnay-sous-Bois, Cherbourg, Valenton, Martigues… Cet ouvrage n’a rien de pratique, il n’est donc spécialement destiné aux élus locaux ; alors, à qui s’adresse-t-il ? À nous, citoyens ? Seulement à ceux qui lisent, car comme le reconnaît Paul Ariès, en utilisant l’écrit il s’éloigne de la culture populaire qui passe davantage par l’oralité ; c’est pourquoi il complète ses livres avec des conférences et des débats.
Voilà donc un livre très intéressant, à ceci près que le travail éditorial est quasiment inexistant ! Les fautes d’orthographe monumentales sont fréquentes et les espaces insécables manquantes (ce qui amène les guillemets et les ponctuations en début de ligne !). La ponctuation est hasardeuse, les citations sont mal recopiées, et le texte est truffé de répétitions, quasiment à la virgule près. Pour tout dire, ce texte ressemble davantage à des secondes épreuves qu’au texte définitif ! Mais ça n’empêche que l’énergie et les convictions de Paul Ariès, dans la lignée du mouvement des Indignés de 2012, vaut le détour.
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Nos rêves ne tiennent pas dans les urnes.
Éloge de la démocratie participative
Paul Ariès
René Balme (préface)
Max Milo éditions
2013
196 pages
16 euros