Non c’est non
Petit manuel d’autodéfense à l’usage de toutes les femmes qui en ont marre de se faire emmerder sans rien dire
Irène Zeilinger
Éditions La Découverte/Zones
2008
Tout d’abord, mettons les choses à plat : une femme court plus de risques à être agressée sexuellement dans son cercle familial, intime ou encore au travail, que dans la rue. Et pourtant, les représentations sociales et culturelles nous serinent que le danger vient de la ruelle sombre la nuit. Voilà déjà un énorme travail à faire sur soi pour ne plus avoir peur de sortir de chez soi.
Honnêtement, qui d’entre nous n’a pas une histoire à raconter sur une agression parce qu’elle est une femme ? Et pourtant, nous n’avons pas appris à nous défendre. La faiblesse des femmes est une construction sociale : toute notre éducation (orientée vers la beauté, la politesse et la bienveillance), ainsi que l’imaginaire collectif (les femmes systématiquement victimes de violence dans les films) maintiennent notre soumission à l’homme.
« C’est ma faute, je suis trop susceptible », « Il ne l’a probablement pas fait exprès », « Qu’est-ce que les gens vont penser si je hurle comme ça ? »... Pour pouvoir se défendre, il faut d’abord briser nos mythes d’impuissance et de faiblesse qui nous rendent victimes sans même que l’agresseur ait besoin de lever le petit doigt. On traîne avec nous tout un tas de mécanismes, comme par exemple qu’il ne faut pas montrer à l’agresseur qu’on est émotionnellement touchée par son comportement, car cela nous rendrait vulnérables.
Apprendre à se défendre ne signifie pas nécessairement qu’on hait les hommes, mais qu’on n’accepte plus d’être protégée des hommes… par un homme.
« On nous cite un catalogue de situations, de lieux et de comportements dits provocants qu’il nous faudrait éviter à tout prix, au nom de notre propre sécurité. Porter certains vêtements, sourire, parler avec des inconnus, sortir ou voyager seule (seule voulant dire sans homme, car plusieurs femmes ensemble sont toujours encore perçues comme “seules”), surtout la nuit, prendre les transports en commun, investir les espaces publics, surtout les parcs, les parkings souterrains, les rues désertées… Je m’étonne toujours que respirer ne soit pas encore catalogué comme dangereux. Vu la majorité écrasante de violences faites aux femmes par leurs partenaires, le mariage (ou la cohabitation) est sans doute un facteur de risque réel bien plus grand que les situations, lieux et comportements cités ci-dessus ! Mais, curieusement, les mêmes experts de sécurité oublient de nous conseiller le célibat comme stratégie de prévention ultime2… »
Comment reconnaître une agression et poser verbalement ses limites ? Comment résister à la manipulation psychologique et éviter l’escalade de violence ? Ce manuel nous apprend à oser dire non, sans formule de politesse, et à reconnaître nos freins à notre propre défense : la peur de la violence, de souffrir et de paraître ridicule.
À travers une série de petits exercices et de visualisations, il propose un travail sur la posture, la voix, l’expression du visage. Il insiste sur la défense verbale et, en dernier recours, sur la défense physique, même si pour ce dernier point un atelier est indispensable. Les femmes sous-estiment leurs forces et surestiment la résistance des hommes, idéalisée par l’imaginaire collectif. C’est comme si nous avions une forme d’incompétence de notre propre corps, n’ayant pas appris à nous battre et à souffrir quand nous étions petites.
Ouvrir Non c’est non, c’est mettre des mots sur nos peurs et vouloir devenir actrice de notre défense. Mais cela va plus loin. L’autodéfense donne confiance en soi et révèle que le sexisme est bien plus ancré dans le quotidien qu’on ne le croit — la pilule rouge ou la pilule bleue de Matrix — car l’auteure pointe du doigt toute une série de comportements et de réactions qui différenciés selon que l’on est une fille ou un garçon.
Nier la violence qui nous est faite ne la fera pas disparaître ; la banaliser détruit notre estime de soi. La violence n’est pas seulement physique et sexuelle, elle est aussi psychologique, sociale, raciste, économique. La violence est une construction sociale : elle est différemment exprimée (par les gens, les médias) et réprimée (par les autorités), souvent aux dépens des femmes, des homosexuels et de ceux qui n'ont pas la bonne couleur de peau. Par exemple, en disant qu’une femme s’est fait violer, et non pas qu’un homme a violé une femme, on met l’accent sur la responsabilité de la femme et on permet à l’agresseur de s’éclipser. La violence envers les enfants est la plus terrible (atteinte à l’innocence !), alors que celle faite aux femmes n’est dénoncée que depuis quelques décennies. Le harcèlement au travail commence tout juste à être dénoncé, alors qu’il est la face visible d’une société en proie au malaise en entreprise.
Non c’est non est un livre fondamental et nécessaire, à nous, à tous et à toutes nos amies qui n’osent plus sortir sans leur ami, même s’il ne remplace pas un vrai cours d’autodéfense, qui peut venir dans un second temps.
Essais
Non, le masculin ne l'emporte pas sur le féminin ! Éliane Viennot
Moi les hommes, je les déteste Pauline Harmange
Une culture du viol à la française Valérie Rey-Robert
Le Berceau des dominations. Anthropologie de l’inceste Dorothée Dussy
Rage against the machisme Mathilde Larrère
Le Deuxième Sexe 1 Simone de Beauvoir
Beauté fatale Mona Chollet
Le Ventre des femmes Françoise Vergès
Ceci est mon sang Elise Thiébaut
Masculin/Féminin 1 Françoise Héritier
Mes trompes, mon choix ! Laurène Levy
Tirons la langue Davy Borde
Nous sommes tous des féministes Chimamanda Ngozi Adichie
Manifeste d'une femme trans Julia Serano
Pas d'enfants, ça se défend ! Nathalie Six (pas de chronique mais c'est un livre super !)
Littérature et récits
Le Chœur des femmes Martin Winckler
Instinct primaire Pia Petersen
Histoire d'Awu Justine Mintsa
Une femme à Berlin Anonyme
On ne naît pas grosse Gabrielle Deydier
Bandes dessinées
Camel Joe Claire Duplan
Corps à coeur Coeur à corps Léa Castor
L’Histoire d’une huître Cualli Carnago
1. Page 226. -2. Page 22. -3. Page 174.
Non c’est non
Petit manuel d’autodéfense à l’usage de toutes les femmes qui en ont marre de se faire emmerder sans rien dire
Irène Zeilinger
Éditions Marabout
2011
320 pages
5,90 euros
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