Zoyâ Pirzâd
Éditions Zulma
2011
C’est moi qui éteins les lumières, qui fais le ménage, le goûter des enfants, la cuisine, les réceptions, le ménage encore, les courses, le ménage toujours… Le cadre exotique pour le lecteur français – la communauté arménienne en Iran dans les années 1970 – ne suffit pas à tromper l’ennui et la banalité des propos.
Clarisse, mère au foyer d’Armen, un adolescent intelligent, drôle et obéissant, et de jumelles, Arsineh et Armineh, intelligentes, drôles et… obéissantes, est la narratrice de leur quotidien dans un quartier préservé d’Abadan. Son mari, Artosh, remplit tout à fait son rôle de maître de maison : ronchon juste ce qu’il faut, il travaille à la très paternaliste Compagnie de raffinerie – qui leur fournit maison, jardinier, réparateur et ramassage scolaire – et trouve normal que sa femme se démène sans compter. Il se passionne pour les échecs, mais il a bien un défaut : il s’intéresse à la politique ! Surtout avant la révolution iranienne en 1979, le peuple ne doit en aucun cas prendre part aux questions d’ordre public, sous peine de s’attirer des ennuis.
Bon nombre de personnages, comme la mère et la sœur de Clarisse, les voisins et leur marmaille, le commerçant du coin et la femme de ménage, agrémentent le récit de situations stéréotypées et prévisibles.
Malgré l’apparence paisible, on croit au bouleversement quand de nouveaux voisins arrivent, mais pas d’inquiétude ! Si Clarisse éprouve une attirance pour Émile, elle ne passera jamais le cap de l’adultère. L’intrigue extra-conjugale est lissée au point qu’il ne se passe rien de particulier chez Clarisse lorsqu’Émile lui déclare en aimer une autre.
Et la rencontre avec Madame Nourohalli, une Iranienne secrétaire et féministe, ne transcende pas non plus la vie de Clarisse, femme soumise qu’on garde à la maison pour nettoyer, cuisiner et ranger. Le potentiel était énorme, car Zoyâ Pirzâd aurait pu faire de Clarisse une femme qui s’émancipe, en quête de liberté et de plaisirs.
En fait, C’est moi qui éteins les lumières s’achève sur le spectacle de fin d’année – on ne peut rien vous cacher – où les jumelles récitent à merveille leur chanson et où Armen joue si bien le Prince charmant que Cendrillon en tombe amoureuse après la représentation.
Quand l’évolution dramatique et le paroxysme sont absents, ça ressemble beaucoup à la série américaine Sept à la maison diffusée sur TF1. À la fin de l’épisode, toute la famille se retrouve dans la salle à manger, riant et discutant le cœur léger. Or, c’était la dernière chose qu’on attendait de la part d’une autrice iranienne.
Tout reste en ordre, la morale est sauve ! On laisse les personnages dans le même état qu’on les a trouvés : ce livre est remarquable d’immuabilité… Pourtant, Zoyâ Pirzâd a le mérite d’attirer l’attention sur la condition féminine de l’Iran où le mariage arrangé est encore la norme et l’amour et la liberté d’expression tabous. Les éditions indépendantes Zulma, malgré cette déception littéraire, ont une ligne éditoriale remarquable, basée sur les littératures du monde entier. La mise en page est superbe, le confort de lecture à son maximum, et l’identité visuelle parfaite.
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C’est moi qui éteins les lumières
Cheragh-ha ra man khamush mikonam (titre original)
Zoyâ Pirzâd
Traduit du persan (Iran) par Christophe Balaÿ
Éditions Zulma
2011
352 pages
20 €
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