Michel Déon
Éditions Gallimard
1996
La « cour des grands », c’est le monde des affaires des États-Unis, où le capitalisme crée des générations de banquiers, de conseillers financiers et de grands patrons dont le seul dieu est l’Argent. Dans ce milieu de requins, l’apparence est le vassal du consumérisme ; la cupidité et l’immoralité sont les premières conditions d’accès à la réussite.
« Nous ne créons rien, nous spéculons sur la bêtise, la vanité, la cupidité ou le manque d’intuition2. »
On est en 1955, en pleine guerre froide, et déjà la vie privée des hommes politiques fait frémir l’opinion publique, avec soixante ans d’avance sur la France…
« Me voyez-vous en caleçon, dans une chambre d’hôtel avec une prostituée, surpris par un photographe et un journaliste, et le lendemain en première page du Washington Post, le sévère gardien de la vertu des hommes politiques, mais pas toujours de la sienne propre. À la clé, un mini-procès où un juge me condamnerait à une amende. Je vois d’ici la tête du Président éclaboussé par le scandale. Une fin de carrière foutue…3 »
C’est sur un bateau de croisière qu’Arthur, un Français poussé par l’ambition de sa mère qui veut à tout prix le projeter dans « la cour des grands », rencontre deux Brésiliens et Elizabeth, une Américaine et fille de riche. Getulio, le gentleman malhonnête accro au poker qui dilapide et rebâtit sa fortune le temps d’une partie, monte la garde auprès de sa sœur Augusta. S’il perd tout son argent, il n’aura qu’à la marier à n’importe quel homme d’affaires richissime qui lui permettra de vivre à ses crochets…
Tandis qu’il convoite la mystérieuse Augusta cachée docilement dans l’ombre de son frère, « fragile statue emportée, rapportée, rendue floue par la moindre bourrasque5», le jeune Français fréquente Elizabeth. Leur relation s’étend au fil des mois sans que ni l’un ni l’autre n’ose déclarer ses sentiments.
La fin se devine assez vite ; vingt ans après, les personnages se recroisent, se redécouvrent, et l’amour reste impossible. Par à coup, la narration s’attarde sur le voyage en bateau, puis fait une ellipse de l’année qui suit. Après, elle s’essouffle et se contente de retranscrire les seuls événements nécessaires à la connaissance du destin d’Arthur. Enfin, les dialogues et les personnages paraissent plus alambiqués que mystérieux.
Sans mentir, il y a comme un air de déjà vu. Michel Déon met en scène M. Lambda, tout à fait identifiable en chacun de nous – et sans consistance –, confronté à Belle, une femme farouche car ravagée par un passé difficile dont elle ne s’échappe pas. Finalement, une citation résume cet amour : « À jouer les colibris après quarante ans, on risque fort de passer pour une oie6. »
Alors, membre de l’Académie française ou pas, Michel Déon n’est pas convaincant. Et à l’adresse des anciens éditeurs de Folio (en 1998) : quand un livre comporte peu de suspens, il est préférable de ne pas trop en raconter.
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La Cour des grands
Michel Déon
Éditions Gallimard
Collection Folio n°3106
Format poche
1998
308 pages
7,50 €
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