Patrice Montagu-Williams
Éditions Nevicata
2014
Masse critique de Babelio
Coupe du monde de football en juin 2014, Jeux olympiques en 2016… Des événements d’envergure internationale dont peut profiter le Brésil pour sortir de la misère et de la corruption, ou bien continuer à nourrir d’illusions les millions de pauvres brésiliens.
Les enjeux sont de taille. Dans ce pays démesuré, par sa superficie, son Amazonie, son peuple et ses croyances, les inégalités sociales sont criantes, le racisme économique latent malgré un fort métissage et la corruption endémique. Tandis que d’un côté on ravage l’Amazonie et les derniers peuples indiens pour en faire des champs agricoles à perte de vue, de l’autre les villes comme Rio de Janeiro et São Paulo croulent sous les favelas, ces bidonvilles où germent la pauvreté, la violence, l’injustice.
« Il n’y avait pas de tout-à-l’égout, me dit Jorge [Jorge Mario Jáuregui, l’architecte argentin qui a construit le téléphérique à Rio de Janeiro]. Ni d’eau potable, bien sûr. L’électricité, il fallait la détourner en implantant des dérivations clandestines sur les transformateurs. On appelait ça des papagayos, des perroquets. Quant aux titres de propriétés, personne n’en possédait. Les résidents ne payaient pas d’impôts à l’État ou à la municipalité. Mais, en contre partie, ils n’avaient droit à rien : ni école, ni dispensaire, ni poste de police. En plus, les bandes taxaient tout ce qui leur tombait sous la main. Même le droit d’aller se servir à la fontaine, un kilomètre plus bas. Sans compter qu’on pouvait être expulsé par quiconque se prétendait propriétaire du taudis où l’on vivait2. »
Mais le Brésil a aussi tout pour fasciner. La culture y est vraiment populaire, avec par exemple la samba, le football et les télénovelas, et contrairement à beaucoup de pays dans le monde, le Brésil a su se préserver de la culture américaine écrasante. Il réunit aussi les paysages les plus impressionnants, enchevêtrant la végétation tropicale et l’urbanisme le plus étouffant qui soit. Difficile d’y être indifférent !
Brésil. Dans les pas du géant, qui fait partie de la collection L’âme des peuples chez les éditions Nevicata, propose un panorama culturel, historique, politique et écologique du pays. L’auteur, qui n’est ni brésilien ni spécialiste du Brésil, mais amoureux sincère du pays, raconte un récit de voyage dont on se fiche un peu en soi, mais qui lui permet de nous décrire tous ces endroits et ces événements qui font l’identité du peuple brésilien. La seconde partie de l’ouvrage, presque plus intéressante que la première, réunit deux entretiens avec des spécialistes.
L’objectif de cet ouvrage est atteint : acquérir une connaissance de base pour approfondir par la suite, même si l’on peut regretter une prise de position économique assez traditionnelle (toujours la sacro-sainte croissance pour aider le pays) et un manque d’esprit critique par rapport aux problèmes de société (mais c’est difficile en 96 pages).
La collection s’impose aussi par l’objet lui-même, qui est plus petit qu’un livre de poche (et donc trop mignon), avec une couverture très belle et une mise en page originale. Dès lors que vous avez refermé ce livre, vous aurez hâte de connaître les autres titres de la collection et de découvrir d’autres cultures et d’autres peuples ! Une réussite éditoriale, un bel objet et une lecture instructive.
Challenge littérature brésilienne
Rejoignez aussi
1. Page 10. -2. Page 45.
Brésil. Dans les pas du géant
Patrice Montagu-Williams
Isabel Lustosa et Claudio Frischtak (entretiens)
Éditions Nevicata
Collection L’âme des peuples
2014
96 pages
9 euros