Maya Angelou
Le Livre de poche
2009
En 1959, Maya Angelou est une femme célibataire, mère d’un garçon de 14 ans, et vit de la scène : elle a dansé et chanté en Europe et en Amérique, avant de se poser à Los Angeles.
Sans passer par quatre chemins, Maya Angelou raconte ce que signifie être une personne noire à cette époque : une citoyenne de seconde zone dans un pays profondément raciste et ségrégationniste. Son récit est émaillé de discriminations et de micro-agressions systémiques et tristement banales. À travers son quotidien, toute personne blanche peut mieux comprendre comment vit une personne noire, ce qu’elle ressent, ce que la société blanche lui a appris.
Les premières pages nous mettent dans l’ambiance, puisqu’elle est obligée de passer par un couple d’ami⋅es blanc⋅hes pour louer une maison, qu’elle est dévisagée dans un hôtel qui vient tout juste d’autoriser la clientèle noire, et que son fils est victime d’un acte raciste dans sa nouvelle école… Sur scène, elle doit toujours se contenter de rôles stéréotypés de Noir⋅es, et se battre pour se faire rémunérer.
« Parce que le monde des Blancs lui avait montré de toutes les façons possibles qu’un garçon noir comme lui devait vivre à l’intérieur de limites assassines imposées par les restrictions raciales, je lui avais inculqué le principe suivant : il vivrait comme il l’entendait et, à moins d’un accident, mourrait de la même manière. Ainsi équipé, il avait le pouvoir de façonner non seulement son avenir, mais aussi le mien2. »
À travers son témoignage, c’est à la montée du mouvement pour les droits civiques des Noir-es qu’on assiste. Elle travaillera notamment pour Martin Luther King à la SCLC et organisera des actions militantes : on entrevoit des figures noires importantes, comme Martin Luther King, Malcolm X, James Baldwin (<3), Billie Holiday…
On sent un formidable sentiment de puissance, d’espoir, de rage, qui monte à Harlem et dans tous les États-Unis, et qui s’étend bien au-delà, puisque, de l’autre côté de l’océan les pays africains luttent pour leur libération. La conscience noire s’éveille, elle englobe tout, le féminisme, l’anticapitalisme, et c’est beau à voir.
« Tu sais, mon lapin, élever des garçons dans ce bas monde, c’est pas de la tarte. J’en sais quelque chose. Quand ils sont jeunes, on prie pour avoir de quoi les nourrir et pour qu’ils restent à l’école. Dès qu’ils grandissent, on prie pour qu’aucune Blanche à moitié folle crie au viol en les voyant et les fasse lyncher. Lorsqu’ils sont des hommes et que des Blancs leur commandent de se battre, on prie pour qu’ils meurent pas dans une guerre de Blancs. Ouais, c’est moi qui te le dis, élever un garçon de couleur, ça donne matière à réflexion3. »
De surcroît, être une femme et mère célibataire est loin d’être évident. Depuis qu’elle a 17 ans, elle a toujours subvenu à ses besoins ainsi qu’à ceux de son fils, et la situation d’une femme mariée dans les années 1960 est à l’opposé de ses convictions : dans le mariage, elle trouverait certes un homme pour assouvir ses besoins sexuels (dont elle parle en toute franchise), mais perdrait son indépendance financière, ses choix de vie professionnels et personnels, et son autonomie intellectuelle.
« Le livre de Baldwin [Personne ne sait mon nom] me donna du courage. Personne ne savait mon nom. Ou plutôt, on m’avait appelée par toutes sortes de noms : Marguerite, Bébé, Chienne, Pute, madame, fille et épouse. En Égypte, je serais désormais connue sous le nom de “rédactrice en chef adjointe”. Ce titre, je le mériterais, même si je devais pour cela travailler comme une esclave. Bon, pas tout à fait, mais presque5. »
Maya Angelou montre aussi la difficulté d’élever un enfant seule, qui plus est noir. Envers et contre toustes, elle a l’envie que son fils soit un homme libre, curieux, fier de lui, et a la peur viscérale de le perdre.
« Si mon fils avait la tête dure, c’était parce que je l’avais voulu ainsi. Et si, du haut de sa suffisance adolescente, il se considérait comme le plus illustre représentant de la race humaine, c’était grâce à moi et je n’avais nullement l’intention de m’en excuser. De mille façons, la radio et les affiches, les journaux et les instituteurs, les chauffeurs d’autobus et les vendeurs lui répétaient chaque jour qu’il n’était rien et qu’il n’allait nulle part6. »
C’est lors de la première rencontre entre Bratz d’Irene García Galán à la librairie La Brèche à Paris que j’ai décidé de me plonger dans la littérature de Maya Angelou, afin de poursuivre mon parcours de lecture sur le racisme. Et quelle découverte !
Dès les premières pages, j’ai été saisie par sa détermination à vivre de manière indépendante. Même si on peut donner une belle image de soi dans ses écrits, Maya Angelou semble une personne courageuse, déterminée, intègre, indépendante, qui s’est battue pour sa liberté, son autonomie, et pour la défense des Noir⋅es du monde entier. À chaque page, je hurlai en mon for intérieur que pour qu’elle parvienne à surmonter les obstacles sur son chemin et à sortir des pièges qui se refermaient sur elle… Hâte de lire ses autres récits ainsi que ses œuvres de fiction !
Un billet d'avion pour l’Afrique
Récits
Rosa Parks Mon histoire
Assata Shakur Assata, une autobiographie
Rubin Carter Le 16e round
Makan Kebe « Arrête-toi ! »
Littérature
Toni Morrison Beloved
Toni Morrison L'Œil le plus bleu
Chimamanda Ngozi Adichie Americanah
Hemley Boum Les Maquisards
Zakiya Dalila Harris Black Girl
Dorothy B. Hughes À jeter aux chiens
Harper Lee Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur
Léonora Miano L'Intérieur de la nuit
Léonora Miano Crépuscule du tourment
Léonora Miano Contours du jour qui vient
Léonora Miano Tels des astres éteints
Léonora Miano Les Aubes écarlates
Erika Nomeni L’amour de nous-mêmes
Essais
James Baldwin Retour dans l’oeil du cyclone
Stéphane Dufoix Décolonial
Peter Gelderloos Comment la non-violence protège l’État
Chris Harman Un siècle d'espoir et d'horreur, une histoire populaire du XXe siècle
Jean-Marie Muller L'impératif de désobéissance
Christelle Murhula Amours silenciées. Repenser la révolution romantique depuis les marges
Association Survie Françafrique, la famille recomposée
Françoise Vergès Le Ventre des femmes
Bande dessinée
Wilfrid Lupano et Stéphane Fert Blanc autour
Tant que je serai noire
Maya Angelou
Le Livre de poche
2009
416 pages
8,90 pages
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