Nous aurons de l’or
Jean-Éric Boulin
Le Seuil
2014
Le personnage central de Nous aurons de l’or est un ancien boxeur champion de France qui vit depuis dix ans aux États-Unis. Il revient en France, plus exactement en banlieue parisienne où il a grandi. Les souvenirs affluent, ceux de sa famille aux conditions modestes, mais aussi ceux de son meilleur ami Yassine, un artiste provocateur et complet, qui a été assassiné.
Lorsqu’il revient au Bourget, l’ex-boxeur découvre une ville en liesse. Et pour cause, Rachida Meziane, une arabe et de surcroît une femme, vient d’être élue présidente de la République et va faire son discours. Elle est à la tête du PMD, le Parti Musulman Démocrate, qui a su conquérir toutes les voix minoritaires : musulmans, pauvres et incompris du système.
Son élection est en partie grâce à son ami Yassine, qui a lutté à travers l’art et la performance pour dénoncer l’héritage colonial, l’islamophobie des médias et « l’apartheid territorial3 ».
Aux États-Unis aussi tout bouge : la Horde d’Or, une organisation militante, s’en prend à toutes les industries capitalistes qui tuent et qui polluent. Incendies, émeutes, manifestations… le réveil des peuples semble en marche.
À partir des « émeutes » des banlieues de 2005, l’auteur imagine ce que serait la France si le vent avait tourné autrement. Et il imagine que l’extrême droite aurait rompu sous le poids de toutes les minorités françaises.
Le personnage est plutôt antipathique, son histoire invraisemblable, et il (ou le narrateur ?) a cette façon agaçante à la longue de toujours tout ramener à la couleur de peau ou à la nationalité : tous les personnages sont en premier lieu décrits de cette manière, ce qui fait que ça ne dévoile rien de leur caractère. Le style est sec, grave, et ponctué d’expressions qui se veulent poétiques mais qui heurtent la lecture.
En fait, la portée politique est la principale qualité de ce roman. C’est comme si les idées politiques étaient habillées par les personnages, et le procédé est très intéressant. On pourrait reprocher à ce roman son aspect peu plausible, presque naïf, quand on connaît l’ascension du FN depuis 30 ans et la baisse proportionnelle des partis de gauche. Quand bien même, ce roman soulève une problématique cruciale : l’identité française n’est plus seulement chrétienne, la France s’est nourrie depuis des siècles de la colonisation, et il est temps pour elle de l’accepter et d’en faire sa force. Nous aurons de l'or a le mérite de s’attaquer à la peur de l’islamisation, mais l'ensemble est tout de même moyen.
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1. Page 63. -2. Page 100. -3. Page 87.
Nous aurons de l’or
Jean-Éric Boulin
Le Seuil
2014
190 pages
17 euros