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Demande, et tu recevras ≡ Sam Lipsyte

Demande, et tu recevras

Sam Lipsyte

Monsieur Toussaint Louverture

2015

   Masse critique Babelio

 Milo Burke, la quarantaine, est un looser sympathique qui vient de perdre son emploi.

« Tu es pathétique. Un vrai loser. Que dis-je, tu es Sa Majesté des losers, Beurk Ier1. »

Milo Burke, la quarantaine marquée par une légère bedaine et bouffeur invétéré de wraps à la dinde dans ses moments d’indécision (et ils sont nombreux), est ce qu’on appelle communément un looser qui se fait traiter de tarlouze par son gosse de 4 ans.

Il faut dire qu’autrefois, il espérait percer dans le milieu fermé des artistes, alors qu’aujourd’hui il est leveur de fonds. Son travail : trouver des mécènes pour les arts plastiques d’une université (qu’il ne manque pas de rappeler combien elle est médiocre), sauf qu’il n’a pas la fibre commerciale ou « lèche-cul ».

Bref, Milo Burke, rempli d’amertume, s’apitoie sur la lositude de sa vie et égratigne au passage l’Amérique contemporaine, avec ses travers hygiénistes, sécuritaires et la spectacularisation constante du moi. Il a d’ailleurs de quoi être apitoyé, car il vient de perdre son boulot.

« À présent nous attendions Christine, la nounou. Dès qu’elle déboulerait à bord de son minivan pétardant, je descendrais avec Bernie et le flanquerais à l’intérieur du véhicule avec les autres marmots dont Christine avait la surveillance, ou qu’elle laissait peut-être en auto-surveillance le temps de faire le plein de paquets de chips à l’hypermarché. Nous avions que le tarif pratiqué par Christine était outrageusement bas, et que sous sa supervision – ou plutôt en l’absence de celle-ci – Bernie devenait petit à petit une racaille. La garde d’enfants n’est pas différente du reste : si vous voulez un service de qualité, ça coûte bonbon. Et si vous n’alignez pas les biffetons, c’est votre gamin qui paie2. »

Pour finir

Demande, et tu recevras est publié par la chouette maison Monsieur Toussaint Louverture dont les livres sont particulièrement beaux et originaux, certainement faits avec amour et passion. C’est un roman sympathique mais sans plus, car à l’image du personnage, il est à la fois drôle, attachant et ennuyeux.

Drôle parce que les situations sont ahurissantes ou pathétiques. Les dialogues sont toniques et typiquement cinématographiques, avec de supers passages mettant en scène le fils de 4 ans. Surtout, chaque instant dramatique est systématiquement désamorcé par le détail qui tue ou la phrase qui fait toc, et on se surprend à sourire du malheur de l’autre.

Attachant parce que Milo Burke, rempli de cynisme et de haine, a une conscience exacerbée de sa domination dans la société, dans une Amérique en déperdition (même si le propos n’est pas assez creusé à mon sens). Il sait qu’il est le produit du système, qu’il nourrit tous les préjugés sur la réussite sociale, et qu’il incarne typiquement la classe moyenne en dèche. On a finalement peu conscience de ce que nous sommes par rapport à la société, croyant dur comme fer à notre liber-arbitre.

Mais ce roman est ennuyeux, car Milo Burke, en looser sympathique, voire pathétique, ne suffit pas à porter le roman jusqu’au bout, malgré des personnages secondaires intéressants. Entre indécision et résignation, il est, habité par cette « sensation de flottement » (a-t-il compris combien le libre-arbitre était un mirage ?), laquelle a fini par m’envahir aussi. Milo est en route vers une destination qu’il n’a pas prévue, et qui ne semble pas le préoccuper plus que ça. Au fond, il se passe peu de choses dans ce roman, c’est dommage.

Un roman aux qualités indéniables, qui plaira aux passionnés de littérature américaine, mais qui m’a lassé vers la fin.

Du même éditeur

Karoo Steve Tesich

 

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1. Page 35. -2. Page 63.

Demande, et tu recevras
(titre original : The Ask)
Traduit de l’américain par Martine Céleste Désoille
Monsieur Toussaint Louverture
2015
416 pages
23 euros

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L
Oui, mais ce livre a conquis beaucoup de lecteurs, je pense que ça vaut la peine de le lire et de se faire sa propre idée :)
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A
Quand les personnages sont trop indécis, c'est pénible, je trouve.
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