Chimamanda Ngozi Adichie
Éditions Gallimard
2015
Club de lecture féministe des Antigones
Chronique sur le blog Antigone XXI
Derrière cette couverture peu engageante, le rose et la bouche rappelant inévitablement les stéréotypes du genre, et ce titre réducteur, car il manque de toute évidence le mot « toutes », sont réunis deux textes très courts de Chimamanda Ngozi Adichie, romancière et essayiste nigériane que j’affectionne particulièrement.
Le premier texte est issu d’une conférence Ted de décembre 2012, consacrée à l’Afrique, dans laquelle elle parle du féminisme et de la condition féminine, surtout en tant que femme noire et africaine. Le second, une nouvelle extraite du recueil Autour de ton cou, reprend cette problématique par le biais d’une jeune nigériane mariée par son oncle et sa tante à un homme qu’elle ne connaît pas, émigré aux États-Unis. Cette nouvelle montre d’ailleurs combien la fiction a une portée politique.
Le féminisme, ce n’est pas être contre les hommes, c’est œuvrer pour atteindre l’égalité politique, économique, sociale et personnelle entre les femmes et les hommes. Malgré certains acquis au cours du dernier siècle, la lutte féministe est toujours d’actualité.
Le féminisme permet d’identifier l’oppression que les femmes subissent. L’oppression prend différentes formes, de la plus anodine à la plus fondamentale dans le cours de la vie d’une femme. Chimamanda Ngozi Adichie propose quelques exemples fort pertinents où les femmes sont considérées comme des êtres inférieurs. Sans chercher l’exhaustivité, j’aimerais en évoquer quelques-unes. Concernant les oppressions fondamentales, on peut bien sûr parler de l’inégalité salariale (en moyenne 25 % !), le plafond de verre qui limite les responsabilités professionnelles des femmes, et l’accès genré à certains cursus scolaires et métiers. La répartition des tâches ménagères, il faut le rappeler, est loin d’être équitable, même chez les jeunes générations, sans compter la charge mentale qui assigne à la femme le rôle de gestionnaire et organisatrice du foyer.
Au quotidien, on peut dénombrer plein de petites et grandes différences de traitement entre les genres. Pour les repérer, il y a une technique simple : si vous inversez les comportements et les répliques entre hommes et femmes dans une situation quotidienne, et que l’inversion vous semble irréaliste ou impensable, c’est qu’il y a une différence de traitement notable. Dit-on d’un homme qu’il a obtenu son poste par la « promotion canapé » ? la guichetière fera-t-elle du favoritisme si vous êtes beau ? les femmes sont-elles assises en rang d’oignon sur la voie publique et font-elles du harcèlement de rue (« eh mon mignon, viens tâter mon vagin ! que tu es beau gosse dans ton pantalon moulant ! ») ? les hommes ne coupent-ils pas davantage la parole à des femmes ? On pourrait multiplier les exemples dans la vie quotidienne, et parler aussi du traitement médiatique des femmes et de leurs activités, des ressorts sexistes des publicités…
Dès l’enfance, les femmes sont éduquées à être douces, altruistes, discrètes et soucieuses de leur apparence physique, car depuis des milliers d’années une femme est jugée essentiellement sur son aspect physique, sa bonne compagnie, et sa capacité à s’occuper du foyer et des enfants, tandis que l’homme est évalué par son intelligence, sa force physique ou son compte en banque. Ces stéréotypes sont loin d’être dépassés : on en trouve toujours les marques au quotidien.
Le vocabulaire est très important, il traduit une vision patriarcale la société : par exemple, « la femme » désigne à la fois une identité sexuelle, une identité de genre et l’épouse (une situation familiale), tandis que « l’homme » désigne l’humanité (incluant les femmes !), une personne de sexe et/ou de genre masculin, mais ne désigne pas l’époux ! Effectivement, on emploie plutôt « mari », « compagnon », on dira très rarement : « mon homme a été à la poste ce midi », car cette formulation paraît possessive. Le mot « femme » se rapporte donc à une possession. Là aussi, on pourrait multiplier les exemples à l’infini. Je ne saurai que vous recommander cette petite vidéo de Catherine Arditi très éclairante sur la féminisation des activités (entraîneuse, courtisane, professionnelle…) qui sexualise et dégrade la femme. À pleins d’égards, l’écriture inclusive est donc essentielle pour sortir les femmes de l’invisibilité. Je vous renvoie à la chronique de l’ouvrage Tirons la langue.
Penser le quotidien à travers le féminisme, c’est un peu comme la pilule bleue et la pilule rouge dans Matrix : choisir la pilule rouge nous permet de voir les oppressions et d’agir.
J’aime beaucoup cette autrice, que je trouve toujours pertinente, intelligente et drôle ! Cet ouvrage très court, très facile à lire et qui coûte seulement 2 euros, est accessible à tout le monde, et pourrait être lu dans le cadre scolaire. Il constitue une très bonne introduction au féminisme et inaugure le club de lecture féministe des Antigones. Ce club est animé par Ophélie du blog Antigone XXI dont je vous ai parlé dans ma chronique Planète végane, et par Pauline du blog Un invincible été.
L’œuvre de Léonora Miano, notamment Crépuscule du tourment
Black Girl Zakiya Dalila Harris
Le Chœur des femmes Martin Winckler
L'Œil le plus bleu Toni Morrison
Une si longue lettre Mariama Bâ
Le Cantique de Meméia Heloneida Studart
Instinct primaire Pia Petersen
Histoire d'Awu Justine Mintsa
Le Monde selon Garp John Irving
Une femme à Berlin Anonyme
American darling Russell Banks
Les Veuves du jeudi Claudia Piñeiro
C'est moi qui éteins les lumières Zoyâ Pirzâd
Non, le masculin ne l'emporte pas sur le féminin ! Éliane Viennot
Moi les hommes, je les déteste Pauline Harmange
Rage against the machisme Mathilde Larrère
Le Deuxième Sexe 1 Simone de Beauvoir
Beauté fatale Mona Chollet
Le Ventre des femmes Françoise Vergès
Ceci est mon sang Elise Thiébaut
Masculin/Féminin 1 Françoise Héritier
Libérées Titiou Lecoq
Amours silenciées. Repenser la révolution romantique depuis les marges Christelle Murhula
Une culture du viol à la française Valérie Rey-Robert
Non c'est non Irène Zeilinger
Tirons la langue Davy Borde
Manifeste d'une femme trans Julia Serano
Désobéir à la pub Collectif Les Désobéissants
Corps à coeur Coeur à corps Léa Castor
Camel Joe Claire Duplan
Pas d'enfants, ça se défend ! Nathalie Six (pas de chronique mais c'est un livre super !)
Nous sommes tous des féministes
(We should all be feminists)
Traduit de l’anglais (Nigeria) par Sylvie Schneiter et Mona de Pracontal
Éditions Gallimard
Collection Folio
2015
2 euros