tome 1
Henry de Montherlant
Éditions Grasset
1936
Dans ce premier volet, Costals, jeune parisien bourgeois, est l’homme à femmes des années 1920 : écrivain à succès de romans pleins des sentiments qu’il n’éprouve pas, séducteur des jolies filles à papa, volontiers taquin ou odieux avec les moches, qu’elles soient dotées ou rentières ; bref, Costals collectionne les conquêtes éphémères et les femmes dans chaque port.
La rançon du succès, c’est que Costals reçoit des lettres enflammées de provinciales bigotes et/ou fanatiques de son œuvre : recluses chez leurs parents, ces jeunes filles désœuvrées, vouées à épouser un autochtone pas franchement doué ni séduisant, déversent des pages de fantasmes. Mais Costals y répond rarement, et s’il le fait, c’est avec pitié, moquerie, condescendance ou méchanceté : c’est selon son humeur du moment.
« Les jeunes filles sont comme ces chiens abandonnés, que vous ne pouvez regarder avec un peu de bienveillance sans qu’ils croient que vous les appelez, que vous allez les recueillir, et sans qu’ils vous mettent en frétillant les pattes sur le pantalon3. »
Grotesque, cruel, drôle, vérace ; en un mot : excellent ! Montherlant ne mérite pas le placard ni l’oubli. Plus qu’un roman, Les Jeunes Filles regroupe récits, lettres, petites annonces matrimoniales et réflexions de l’auteur sur les hommes et les femmes : ensemble ils composent une œuvre à la narration originale, multipliant les angles de vue et les portraits.
Costals est révélateur d’une manière de vivre : peut-on être heureux à deux ? Faut-il être absolument égoïste et ne dépendre de personne pour satisfaire son bonheur ? Les hommes vivent le mariage comme une perte de liberté et d’autonomie ; les jeunes filles sont, elles, symptomatiques de la condition féminine : éduquées pour appartenir à l’homme, leur personnalité et leurs désirs se fondent dans leur destin de femme servile.
Si Montherlant donne à voir une société misogyne, il est néanmoins dans le vrai, n’en déplaise à certains lecteurs. Même si les femmes se sont aujourd’hui plus émancipées, Montherlant reste actuel sur bien des aspects sans être caricatural : les jeunes filles rêveuses, qui se font des films sur les sentiments de l’autre, courent après les illusions de l’amour. Il creuse trop les personnages pour permettre à la caricature de s’infiltrer dans ses romans : à lire avec délice !
Trois volumes sont à suivre !
« Bien à vous*
*Le B de Bien est en réalité un R – “Rien à vous” – mais griffonné de telle sorte qu’on peut s’y méprendre5. »
Les Jeunes Filles tome 2
Les Jeunes Filles tome 3
Les Jeunes Filles tome 4
1. Page 12. -2. Page 76. -3. Page 89. -4. Page 18. -5. Page 143.
Les Jeunes Filles
Henry de Montherlant
tome 1
Éditions Gallimard
Collection Folio n°148
1972
224 pages
5,95 €
Pour ne pas manquer les prochaines chroniques, inscrivez-vous à la newsletter !