Nadja, auteur de films et de livres, a quarante ans. Chaque été depuis quelques années, elle anime des ateliers dans une fac en Nouvelle-Angleterre aux États-Unis, loin de son mari et de ses deux enfants. Mais Nadja est une femme étrange, un peu lointaine et détachée de la réalité, et une fois de l’autre côté du continent, elle oublie tout, tout sauf la seule chose qu’elle aurait dû oublier, cet événement qui a eu lieu il y a 25 ans lorsqu’elle vivait en Afrique avec ses parents.
Petit à petit, dans cet été caniculaire, elle déroule le fil de ses souvenirs, par petites touches, et renoue avec son enfance. Habitée par ses souvenirs, nous faisons des allers et retours entre les États-Unis et sa petite ville proprette et ennuyeuse, la France où elle vit avec sa famille et son enfance en Afrique. Elle y retrouve l’instant de tous les possibles et se libère progressivement des limites que les parents posent pour nous, à notre insu, à travers l’éducation.
La Belle Affaire, publié par les éditions indépendantes Intervalles, est un roman féminin, du genre de ceux que j’évite. Même si j’ai vu d’emblée que la trame était somme toute assez classique, de la femme tourmentée qui, parvenue à la quarantaine, remonte le fil de sa vie, j’ai trouvé que l’ensemble fonctionnait et était addictif et engageant.
C’est vrai qu’on trouve le côté un peu usé et agaçant de la femme fugace, inaccessible, pas du tout terre à terre, carrément irréaliste et romancée, à commencer par le choix du prénom Nadja (ouh ces écrivains !). Et pour forcer sa personnalité mystérieuse, voire vaporeuse, on devine certains ajustements dans l’histoire pour ménager de l’effet, et le résultat n’est pas toujours crédible honnêtement. Par exemple, quel écrivain n’angoisse pas de savoir si son texte va plaire à un éditeur ?! Qui a déjà oublié de choisir les prénoms de ses jumeaux avant l’accouchement ? Je vous le demande !
Mais il fonctionne car il est composé de chapitres courts, écrits au présent, qui ouvrent des portes et appellent d’autres chapitres, le tout formant une lecture entraînante. Au-delà de la forme que l’auteure maîtrise avec assurance, ce roman fonctionne car c’est justement le mystère entourant son enfance en Afrique dans des pays politiquement instables qui apporte une valeur à l’histoire a priori ordinaire. Mine de rien, on a envie de savoir ce qui s’est véritablement passé à cette époque, et la chose est bien conservée, dévoilée peu à peu, avec une petite claque à la toute dernière page !
Ce n’est pas le roman de l’année, mais c’est un bon roman addictif avec lequel on passe un moment agréable et qui évoque de belles images de l’enfance fait de joie, de tolérance et de transparence.
Merci aux éditions Intervalles pour leur confiance.
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La Belle Affaire
Sonia Ristić
Éditions Intervalles
2015
152 pages
15 euros