Mon histoire personnelle avec ce livre, c’est que j’ai décidé de le lire parce que mon chat est malade. J’avais besoin d’une lecture rationnelle pour expliquer mon amour et ma douleur infinie, pour apprendre à le connaître plus intimement et profiter au mieux du temps qu’il nous reste ensemble.
À notre époque, les chats sont vénérés par leurs humain·es, les vidéos et photos de chats inondent internet, mais il n’en a pas toujours été ainsi. Difficile aujourd’hui de penser qu’ils ont été torturés, emmurés et tués par millions durant l’Inquisition, et que les femmes qui possédaient des chats étaient accusées de sorcellerie.
Avec 600 millions de chats dans nos foyers à travers le monde, les temps ont changé ! C’est apparemment au cardinal Richelieu (1585-1642), le ministre de Louis XV, que nous devons sa réhabilitation en Europe. Mais ce regain d’amour est à double tranchant, car il a mené à la création des races du XIXe siècle, et à l’objectification du chat.
Cela dit, cet amour est tout relatif, car, malheureusement, la France est championne en matière d’abandons d’animaux domestiques. En 2022, la SPA a recueilli 27 940 chats dans ses refuges… Ne participez pas à la marchandisation des animaux de race, il y a tellement de petits individus malheureux à adopter !
Selon l’autrice, la première cohabitation aurait commencé il y a 10 000 ans, dans le Croissant fertile, en Cisjordanie, avec le peuple des Natoufien·nes qui capturèrent des chats dans leurs maisons. Ils leur rendaient service en chassant les souris qui dévoraient les réserves de nourriture.
Même si les civilisations successives ont davantage dressé les chiens que les chats, ceux-ci n’ont eu d’autre choix que de s’adapter continuellement à nous, à nos conditions de vie, nos exigences, nos critères de sélection. Pour expliquer cette dépendance à l’être humain, le biologiste néerlandais Louis Bolk (1866-1930) a développé le concept de néoténie à partir de l’observation des primates puis des bébés humains. Pour s’adapter à nous, les chats auraient conservé leurs caractéristiques infantiles comme le ronronnement, le miaulement et le patounage. Dans ce processus d’infantilisation, ils seraient une « version infantile du chat sauvage2 », une intuition que j’avais eue en observant mon chat, sans pour autant la nommer.
Après ce chapitre sur l’histoire de la domestication des chats, l’éthologue Jessica Serra décrit la manière dont ils perçoivent le monde. Comment s’orientent-ils dans le temps et l’espace ? Saviez-vous que la petite moue de flairage qu’ils font s’appelle en réalité le Flehmen, leur permettant de percevoir précisément les phéromones ? Ressentent-ils de la peur, de la jalousie ? Nous aiment-ils vraiment ?!
Il s’agit de faire la part des choses entre notre tendance à anthropomorphiser les animaux et la vision héritée de Descartes de l’animal-robot dénué d’intelligence et de sentiments, simplement mû par son instinct de survie. Il faut dire aussi que les études comportementales menées sur les chats sont beaucoup moins nombreuses que celles sur les chiens (qui sont beaucoup plus coopérants et obéissants), et surtout que le bien-être des chats n’est pas du tout une priorité pour nos sociétés spécistes, anthropocentrées, racistes, capitalistes, patriarcales et écocidaires.
Mon chat, je lui dois beaucoup, à commencer par le fait qu’il m’a fait devenir végane et antispéciste. Depuis dix ans, il me fascine toujours autant : tout chez lui éveille en moi un amour infini, une fascination éternelle, mais aussi, désormais, l’angoisse de sa mort pourtant inexorable.
Je le chéris tant qu’il est là, nettoyant inlassablement ses diarrhées depuis 9 mois, mais un double deuil me guette : sa perte incommensurable et l’impossible adoption d’un autre petit bonheur, faute de moyens financiers.
Cet ouvrage m’a fait beaucoup de bien, même si j’avais déjà bien cerné mon chat. Il met des mots sur mes observations, il matérialise mon amour pour lui. Cette lecture me prépare (un peu) à accepter l’inéluctable, et je vais la prolonger avec l’ouvrage de Pauline Le Gall, Le petit chat et moi, aux éditions Philippe Rey (chronique à venir).
Essais
Nora Bouazzouni Faiminisme. Quand le spécisme passe à table
Aymeric Caron Antispéciste
Collectif Faut-il arrêter de manger de la viande ?
Derrick Jensen Zoos. Le cauchemar de la vie en captivité
Martin Page Les animaux ne sont pas comestibles
Jonathan Safran Foer Faut-il manger les animaux ?
Peter Singer La Libération animale
♥ Ophélie Véron Planète végane
Peter Wohlleben La vie secrète des animaux
Littérature
♥ Upton Sinclair La Jungle
Jeunesse
Ruby Roth Ne nous mangez pas !
Dans la tête d’un chat
Jessica Serra
Éditions J'ai lu
2021
7,90 euros
352 pages
(première édition : humenSciences en 2019)
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