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Un billet d’avion pour l’Afrique ≡ Maya Angelou

Un billet d’avion pour l’Afrique

Maya Angelou

LGF

2012


Pour les dix ans du décès de Maya Angelou (1928-2014), je vous présente ce récit autobiographique, dans lequel elle raconte son expérience au Ghana avec son fils. Comme d’autres Noir·es américain·es dans les années 1960, elle a ressenti le besoin de se rendre en Afrique, sur les terres natales de ces ancêtres victimes de l’esclavage. Cependant, la lecture de ce récit sera plus nettement plus appréciable si vous avez déjà lu son œuvre phare, Tant que je serai noire.

« Nous étions des Noirs américains en Afrique de l’Ouest, où, pour la première fois de notre vie, la couleur de notre peau était considérée comme normale et naturelle1. »

Lorsque Maya Angelou arrive au Ghana avec son fils Guy âgé de 17 ans, Kwame Nkrumah (1909-1972) vient d’être élu premier président de la toute jeune république du Ghana. En revendiquant l’anticolonialisme et le panafricanisme, il porte en lui les plus grands espoirs et une immense fierté.

« Au Ghana, un cadavre non réclamé justifiait l’attention des médias et une réponse émotive de la part d’Efua, tandis que, en Amérique, des corps noirs encore bien vivants n’avaient pas droit à de tels égards. Trop souvent, parmi nous, la vie se monnayait à vil prix et la mort encore plus. Depuis la fin de l’esclavage, des Noirs américains avaient couru, marché, fait du stop et vagabonder d’endroits intenables en endroits insupportables et étaient morts dans des prés, des prisons, des hôpitaux, des champs de bataille, des lits et des granges. Et s’ils étaient nés dans la douleur, seuls les mourants avaient conscience de leur mort. Ils venaient et disparaissaient, non pris en compte, sinon par les traditions symboliques, et non réclamés, sinon par le sol où ils redevenaient poussière2. »

À l’instar de ses ami·es expatrié·es noir·es américain·es qu’elle appelle les « révolutionnaires du retour3 », Maya Angelou a besoin de se rendre en Afrique, sur la terre de ses ancêtres, pour renouer avec ses racines coupées par trois siècles de colonisation. Inévitablement, Maya Angelou s’interroge sur ses origines africaines. De quelle région d’Afrique ses ancêtres ont-iels été arraché·es ? Les gens qu’elle croise aujourd’hui dans les rues d’Accra sont-ils des descendants des esclavagistes africains ?

« Je me demandais si les Noirs de la diaspora, moi la première, pourraient vraiment réintégrer l’Afrique. Avant même d’arriver, nous portions, tel un collier, des squelettes de désespoir séculaire et nous étions marqués au fer par le cynisme. En Amérique, nous dansions, riions, procréions ; nous devenions avocats, juges, législateurs, instituteurs, médecins et prêcheurs, mais nous conversions sous nos glorieux habits l’insigne d’une histoire barbare cousue à notre peau foncée4. »

Elle s’imagine que l’Afrique va les accueillir comme une mère qui retrouve ses petit·es. Mais comme elle ne connaît ni la langue ni les coutumes locales, ce voyage est finalement un saut dans l’inconnu qui ne laissera pas indemnes ses croyances et ses rêves. Trouvera-t-elle sa place au Ghana ? Que peut-elle apporter à ce pays ?

« Si on ne nous acceptait pas au Ghana, la nation la plus progressiste d’Afrique noire, où trouverions-nous un port5 ? »

À Accra, la capitale du Ghana, elle navigue sans trop de mal entre les milieux intellectuel, artistique militant, diplomatique et rural. Mais c’est compter sans le manque des États-Unis où elle est née, et son fils, son « gouvernail6 », qui cherche à quitter son giron à mesure qu’il devient adulte.

« Nous, révolutionnaires du retour, dansions au Lido au son du High Life, nous déhanchions comme si nos hanches n’allaient plus jamais nous servir, buvions de la bière Club en discutant de ce que nous pouvions apporter au Ghana, à sa révolution et au président Nkrumah. Nous vivions à fond, à fond la caisse. Le temps était une horloge remontée à cran et nous nous efforcions de profiter pleinement de chaque moment d’ivresse7. »

Mon avis

J’ai découvert Maya Angelou, autrice, chanteuse, danseuse et militante noire-étatsunienne, avec son œuvre phare, Tant que je serai noire. J’ai lu avec curiosité Un billet d’avion pour l’Afrique, dans lequel elle met à nu ses espoirs et ses déceptions en arrivant au Ghana.

Aux États-Unis comme au Ghana, Maya Angelou a côtoyé la grande histoire en luttant pour la dignité des Noir·es. À Accra, elle a rendu hommage à W.E.B. Du Bois lorsqu’il est mort en 1963, et soutenu Malcolm X à son retour de La Mecque.

Dans ses écrits, elle n’élude pas non plus sa vie de femme, de personne noire et de mère qui a dû élever seule son enfant. Cependant, sa personnalité franche, fougueuse, révoltée, féministe et résolument moderne apparaît de manière plus éclatante dans Tant que je serai noire. C’est pourquoi je vois davantage Un billet d’avion pour l’Afrique comme une lecture complémentaire, mais dépendante de son œuvre principale. Si l’histoire de Maya Angelou vous intéresse, je vous conseille de commencer par Tant que je serai noire, et continuer avec ses autres récits !

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Bande dessinée

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Un billet d’avion pour l’Afrique

Mémoires

(All God’s Children Need Traveling Shoes)

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Lori Saint-Martin et Paul Gagné

Maya Angelou

Le Livre de poche

2020 (2012 pour le premier dépôt légal)

264 pages

7,30 euros

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