Davy Borde
Éditions Utopia
2016
C’est ce que les enseignant·es nous apprennent dès le plus jeune âge ! Il peut bien y avoir 1000 femmes et 1 homme qui composent un groupe, celui sera toujours « ils ».
La langue française rend invisible le féminin, et le sexisme est partout, à commencer par la manière dont on enseigne les règles d’accords aux enfants, en partant toujours du masculin pour ajouter quelque chose à la fin du mot, alors qu’on peut aussi partir du féminin et demander aux enfants d’ôter les dernières lettres qui marquent le féminin. Le sexisme est à la base du dictionnaire qui répertorie les mots par leur masculin, et se manifeste jusque dans les origines latines des mots « femme » et « homme » et leur utilisation quotidienne, ou encore dans les insultes où la femme, « objet passif et dominé par l’homme », est toujours présentée par ses parties génitales.
À celles et ceux qui rétorqueront : « à quoi bon changer la langue ? », je répondrai que la langue est le prisme par lequel on perçoit le monde. Nos représentations sociales sont indissociables de la manière dont on parle. C’est donc essentiel de faire attention à notre expression pour initier le renversement des codes. Davy Borde fait certes le procès d’une langue archaïque, mais va plus loin en proposant une amélioration étonnante et intéressante sur le plan symbolique.
« Le féminisme est l’idée radicale que les femmes sont des personnes. » (Marie Shear)
J’ai adoré lire Tirons la langue : j’ai aimé l’humilité de l’auteur qui peut tout à fait, dans une démarche citoyenne, donner son avis sans être linguiste. Au contraire, c’est même ce qui lui permet de livrer un raisonnement clair et accessible en 120 pages !
Je lui reconnais la richesse du propos, car il consacre une première partie à expliquer en quoi la langue française est sexiste, une seconde à lister les pratiques actuelles « féministes » (une langue et des mots masculinisé(e)s, masculinisé-es, masculiniséEs ou mieux encore : masculinisé·es) et les réticences qu’elles suscitent, ainsi qu’une troisième partie dans laquelle il développe sa proposition universaliste de la langue. Et quelle proposition ! J’avoue avoir été franchement déroutée, au niveau personnel mais aussi dans la pratique de mon métier d’éditrice, mais la démarche m’a séduite ! Mais si je n'utilise pas toutes ses propositions, je salue l’initiative et j’applique désormais certaines astuces proposées pour rendre la langue plus universaliste.
Je n’en dirai pas plus car Tirons la langue est un livre nécessaire, assez complet mais abordable, riche de propositions et d’exemples. Aux amoureux·ses de la langue, ce livre passionnant, publié par les éditions Utopia (que j’adore), leur est destiné.
Essais
Non, le masculin ne l'emporte pas sur le féminin ! Éliane Viennot
Des femmes et du style. Pour un feminist gaze Azélie Fayolle
Moi les hommes, je les déteste Pauline Harmange
Une culture du viol à la française Valérie Rey-Robert
Le Deuxième Sexe 1 Simone de Beauvoir
Rage against the machisme Mathilde Larrère
Beauté fatale Mona Chollet
Le Ventre des femmes Françoise Vergès
Ceci est mon sang Elise Thiébaut
Masculin/Féminin 1 Françoise Héritier
Une culture du viol à la française Valérie Rey-Robert
Libérées Titiou Lecoq
Non c'est non Irène Zeilinger
Nous sommes tous des féministes Chimamanda Ngozi Adichie
Manifeste d'une femme trans Julia Serano
On ne naît pas grosse Gabrielle Deydier
Pas d'enfants, ça se défend ! Nathalie Six (pas de chronique mais c'est un livre super !)
Bandes dessinées
Corps à coeur Coeur à corps Léa Castor
Camel Joe Claire Duplan
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Tirons la langue
Plaidoyer contre le sexisme dans la langue française
Davy Borde
Éditions Utopia
Collection Dépasser le patriarcat
128 pages
6 euros
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