Gaël Faye
Éditions Grasset
2016
En 1992, Gaby et sa petite sœur vivent avec leurs parents au Burundi, dans un quartier résidentiel privilégié de Bujumbura. Leur père Michel est français, et leur mère Yvonne a fui le Rwanda en 1963 et n’a jamais pu y retourner. Le narrateur, c’est le Gaby adulte qui raconte des épisodes marquants d’une enfance ordinaire et heureuse avec sa bande de copains et l’école française, le quotidien avec les « boys », les employés de maison.
Au début, la guerre qui fait d’abord rage au Rwanda n’est qu’un simple mot. La vie continue comme avant, mais peu à peu la guerre civile entre les Hutus et les Tutsi, la peur, la violence, la mort s’insinuent dans l’univers enfantin et insouciant de Gaby : ses amis de l’impasse changent et prennent part au conflit, ses parents se déchirent, les « boys » disparaissent.
L’enfance lui est volée, et Gaby est tiraillé entre son père qui ne souhaite pas le voir se mêler de politique, sa mère qui ne lui a pas transmis sa culture rwandaise et l’élève comme un « petit français », et ses copains qui l’enjoignent à s’engager dans le conflit, car « dans la guerre, personne ne peut être neutre ! ».
« À l’OCAF [Office des cités africaines], les voisins étaient surtout des Rwandais qui avaient quitté leur pays pour échapper aux tueries, massacres, guerres, pogroms, épurations, destructions, incendies, mouches tsé-tsé, pillages, apartheids, viols, meurtres, règlements de comptes et que sais-je encore. Comme Maman et sa famille, ils avaient fui ces problèmes et en avaient rencontré de nouveaux au Burundi – pauvreté, exclusion, quotas, xénophobie, rejet, boucs émissaires, dépression, mal du pays, nostalgie. Des problèmes de réfugiés. »
Dans ce premier roman, et autobiographique qui plus est, Gaël Faye raconte la fin de son enfance, lorsque la guerre éclate au Burundi où il est né et au Rwanda dont sa mère est originaire.
L’auteur manie les mots avec aisance, comme dans ses chansons, et la narration est très fluide, bien découpée en chapitres qui capturent un instantané, une scène forte, emblématique d’une enfance qui se délite, de pays et de peuples qui se déchirent. Il raconte la difficulté de l’exil, la pression sociale entre les enfants, l’histoire de ses parents, mais aussi la découverte de la lecture : tout un ensemble de thèmes essentiels et qui m’ont plu. Le roman se lit très vite et la tension est constante, car on sent le drame se sceller plus sûrement à chaque page.
Toutefois, le regard de l’enfant prenant toujours le dessus, je n’ai pas trouvé d’explications historiques et politiques à l’origine de la haine entre Hutu-e-s et Tutsi-e-s. Plus de 20 ans après, le génocide rwandais reste une plaie ouverte aux yeux de tous, car la communauté internationale peut être accusée de n’avoir rien fait (et en même temps, on peut s’interroger sur le droit d’ingérence quand on voit la manière dont la France est intervenue au Mali en 2013). Il était probablement plus sage pour Gaël Faye de ne pas aborder frontalement le sujet et d’apporter son témoignage qui à lui seul mérite l’attention.
Quelle est la part de vérité, d’imagination, surtout concernant la fin du roman ? Je ne sais pas, et au fond c’est ce qui fait la beauté de la fiction. Car même si tout n’est pas vrai, la fiction est là pour nous faire ressentir une époque, un contexte, une vie. Un excellent roman qui a l’air de faire l’unanimité auprès des lecteurs.
Littérature
L’amour de nous-mêmes Erika Nomeni
Crépuscule du tourment Léonora Miano (Cameroun)
Tels des astres éteints Léonora Miano
L'Intérieur de la nuit Léonora Miano
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Histoire d'Awu Justine Mintsa (Gabon)
Americanah Chimamanda Ngozi Adichie (Nigeria)
Beloved Toni Morrison
Notre case est à Saint-Denis 93 Bouba Touré (Mali, Sénégal)
Les Maquisards Hemley Boum (Cameroun)
Voici venir les rêveurs Imbolo Mbue
Une si longue lettre Mariama Bâ (Sénégal)
Essais
Le Ventre des femmes Françoise Vergès
Françafrique, la famille recomposée Association Survie
Heineken en Afrique Olivier Van Beemen
Effondrement Jared Diamond
Décolonial Stéphane Dufoix
Petit pays
Gaël Faye
Éditions Grasset
2016
224 pages
18 euros