Justine Mintsa
Éditions Gallimard
2000
Lecture commune du groupe Facebook Lire le monde
Au village Eboman au Gabon, Obame est instituteur à l’école des Blancs. Il a épousé Awu en secondes noces, suite au décès de sa femme qui n’a pas pu lui donner d’enfant, ce qui est un déshonneur pour elle-même et son mari. Obame n’a jamais cessé d’aimer sa première épouse, tandis qu’Awu, qui voue à Obame un amour et une admiration inconditionnelles, tente d’exister dans les yeux de son mari.
À la veille de sa retraite, Obame se rend pour la première fois en ville pour monter le dossier et recevoir sa pension.
Le roman de Justine Mintsa est fulgurant, impressionnant, pétri tout autant d’amour que d’une violence inouïe.
« Chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage. » Le texte de Justine Minsta illustre tout à fait cette phrase de Montaigne : il évoque les coutumes et croyances traditionnelles très éloignées des lecteurs occidentaux, les relations très codifiées au sein du clan, la conception particulière de la solidarité et le rapport à l’argent, et surtout le statut social et familial des femmes considérées comme des faire-valoir, voire des objets, qui doivent se dévouer à leur clan. Il y a la défunte épouse qui n’a su donner d’enfant à son mari ; et bien sûr Awu qui ne doit pas subvenir aux besoins de sa famille, car c’est à son mari de le faire. Il y a la jeune Ada, devenue mère à 12 ans, qui a déçu les espoirs de sa mère en arrêtant l’école, et Ntsema qui a choisi de s’affranchir des codes sociaux.
Qui aurait dit qu’un roman de 100 pages puisse créer un tel effet ? Sa force tient au style fait de phrases courtes et épurées, de monologues sentencieux, solennels. Je crois aussi qu’il doit sa force au fait que l’auteure ne cherche pas à combler la distance culturelle entre le roman et le lecteur occidental, elle ne cherche pas à justifier ou expliciter les événements tragiques : les choses se passent ainsi et c’est au lecteur d’entrer dans la société gabonaise et de mettre de côté ses propres valeurs. Ça ne rend le roman que plus originel, brut. Nous ne pouvons toutefois penser que ce roman traite de la « barbarie », car si la femme gabonaise n’est pas libre, la femme occidentale a ses propres entraves. Voilà une lecture que je recommande, tout comme la collection Continents Noirs chez Gallimard.
Littérature
L’amour de nous-mêmes Erika Nomeni
Crépuscule du tourment Léonora Miano (Cameroun)
Les Maquisards Hemley Boum (Cameroun)
Petit pays Gaël Faye (Burundi et Rwanda)
Tels des astres éteints Léonora Miano
L'Intérieur de la nuit Léonora Miano (Cameroun)
Beloved Toni Morrison
Le Chœur des femmes Martin Winckler
Essais
Moi les hommes, je les déteste Pauline Harmange
Une culture du viol à la française Valérie Rey-Robert
Françafrique, la famille recomposée Association Survie
Le Ventre des femmes Françoise Vergès
Masculin/Féminin 1 Françoise Héritier
Rage against the machisme Mathilde Larrère
Beauté fatale Mona Chollet
Ceci est mon sang Elise Thiébaut
Libérées Titiou Lecoq
Une culture du viol à la française Valérie Rey-Robert
Non c'est non Irène Zeilinger
Tirons la langue Davy Borde
Nous sommes tous des féministes Chimamanda Ngozi Adichie
Pas d'enfants, ça se défend ! Nathalie Six (pas de chronique mais c'est un livre super !)
Bandes dessinées
Léa Castor Corps à coeur Coeur à corps
Claire Duplan Camel Joe
1. Page 11.
Histoire d’Awu
Justine Mintsa
Postface de Jean-Noël Schifano
Éditions Gallimard
Collection Continents noirs
2000
120 pages
12,04 euros